Annexe 2: Mélanie Klein pour les débutants…

(J’ai choisi de mettre ce texte en annexe car, pour les personnes intéressées, ces concepts Kleiniens sont très utiles pour se représenter, entre autres : les réactions de deuil, de dépression, les mécanismes de défense psychotiques, et l’excitation de certains hyperactifs)

Un des apports théoriques majeurs de Mélanie KLEIN est d’avoir su exploiter le matériel clinique recueilli dans ses psychanalyses d’enfants pour offrir une théorie cohérente de la dynamique des fantasmes aux premiers mois de la vie, de la constitution des « objets internes » (représentations de soi et des autres) et de l’évolution de la « relation d’objet » (différentes façons d’être en relation, soi, avec les autres, que l’on appelle « objets »).

Elle distingue en particulier deux « positions », la position schizo-paranoïde et la position dépressive, caractérisées chacune par un mode de relation objectale particulier et des mécanismes de défense particuliers.

Mélanie KLEIN situe ces « positions » au début du stade oral freudien, bien en deçà de la constitution du complexe d’Œdipe. Selon elle, « dès la naissance, il existe un Moi capable d’éprouver de l’angoisse, d’employer des mécanismes de défense et d’établir des relations d’objet dans le fantasme et la réalité ».

Position schizoparanoide

> Relation d’objet partielle (« bon objet » idéalisé et « mauvais objet » persécuteur)
> Mécanismes de défense préférentiels -. clivage de l’objet (avec les corollaires: idéalisation et angoisse paranoïde), déni (omnipotent, magique, tout-puissant), identification projective.
> Angoisse paranoïde avec risque, en cas de dépassement de la capacité du moi à la tolérer, de morcellement du moi (désintégration).

Position dépressive
> Relation d’objet total
> Mécanismes de défense préférentiels : refoulement, sublimation, une fois la position dépressive suffisamment « résolue ».
> Ambivalence, culpabilité
> Angoisse dépressive qui surgit de l’ambivalence

Défenses maniaques
> Normalement présentes pendant la position dépressive, elles peuvent persister en cas d’insuffisance de résolution de la position dépressive
> Relation d’objet caractérisée par la triade .- contrôle omnipotent (déni de la dépendance à l’objet), triomphe (déni des sentiments dépressifs) et mépris (déni de la culpabilité).
> Défense par le déni de la réalité psychique

Résumer tout le propos de Mélanie KLEIN sur les « positions » serait une tâche de
trop grande ampleur. Je voudrais donc donner une lecture simplifiée.


> La position Schizo-paranoïde

Le nourrisson est capable d’établir un premier mode de relation d’objets dit « partiel ». Le sein maternel, par exemple, est représenté de façon distincte comme sein nourricier (idéalisé, « bon objet ») et sein persécuteur (angoisse paranoïde, « mauvais objet ») quand il fait défaut. C’est le mécanisme de projection d’une pulsion agressive contre le mauvais objet qui suscite le fantasme de l’existence d’un agresseur (c’est en ce sens que la psychologie de l’individu est largement dominée par ses fantasmes, liés à l’énergie pulsionnelle). Dès lors, le mécanisme de clivage protège le « bon objet » idéalisé des agressions du « mauvais objet ». Le déni permet aussi, de façon omnipotente, d’anéantir fantasmatiquement le persécuteur, luttant ainsi contre l’angoisse paranoïde.
Pour Mélanie KLEIN, cette phase est porteuse de réalisations nécessaires : le clivage est la base de ce qui sera la faculté de discrimination, l’identification projective est une forme primitive de l’empathie (qui n’existe pas encore en tant que telle dans une relation à un objet partiel), l’idéalisation, sans être vraiment rationnelle, ajoute à la richesse de l’existence, dans la capacité d’aimer, les idéaux sociaux, politiques ou esthétiques.

> La position dépressive
Dans la position dépressive se négocie un moment crucial de la vie psychique: la réduction du clivage entre le « bon » et le « mauvais » objet. Jusqu’à présent, le risque majeur est l’agression du Bon objet par le Mauvais et son anéantissement. En effet, le nourrisson tire une force (« toute-puissance ») de l’identification à ce « bon objet » intériorisé et le perdre remet en cause le support majeur du Moi. Moyennant des conditions de développement favorables, quand le Moi devient assez fort et que les pulsions agressives sont devenues moins menaçantes, le clivage devient moins indispensable. Le Bon et le Mauvais objet amorcent un mouvement d’intégration vers un objet « total », ni complètement bon , ni complètement mauvais : c’est l’accès à l’ambivalence. Mais cette évolution ne se fait pas sans un renoncement: le deuil du Bon objet, idéalisé. Cette souffrance de perte, grâce au jeu des introjections, est attribuée en partie à la mère, donnant lieu à l’apparition de l’empathie véritable, pour un objet total. De même, le Surmoi primitif, tyrannique et persécuteur, de la position schizo-paranoïde perd de son aspect monstrueux, pour devenir plus souple. La douleur du deuil du Bon objet et les efforts faits pour le réparer sont à l’origine de la naissance de la créativité et de la sublimation (ce qui n’est pas sans rapport avec le lien fait par Mélanie KLEIN et d’autres auteurs entre l’agressivité primitive et l’apparition de la créativité artistique et autres formes « nobles » d’expression de l’humanité). Le sujet gagne aussi l’accès à la tristesse : le Moi ayant surmonté la perte de l’objet idéal, les pertes ultérieures auront plus de chances d’être négociées sans effondrement dépressif.

> Les défenses maniaques
Lors de la perte du Bon objet, des facteurs internes (en terme d’intensité de l’angoisse) aussi bien qu’externes (en terme de sécurité, de stabilité affective, de soutien) permettent à l’enfant de faire face à la souffrance dépressive. Le recours à des défenses maniaques est un moyen de faire face à la souffrance dépressive par le déni de la réalité psychique, quand celle-ci dépasse la capacité à y faire face. Si l’élaboration de la position dépressive est insuffisante, il peut persister un certain degré de clivage (position dépressive insuffisamment « élaborée ») avec un recours plus fréquent aux mécanismes de défense de la position schizoparanoïde. Le sujet dénie la dépression sous-jacente par un « vernis » maniaque de surface, mais surtout, il n’a pas encore dépassé cette première expérience de perte de l’objet idéal, trop effrayante, trop dangereuse pour son Moi : le risque d’effondrement dépressif reste majeur en cas de perte ultérieure. La relation d’objet, par ailleurs, ne peut se faire avec un « objet total ». La relation d’objet, quand le sujet a recours aux défenses maniaques est caractérisée par la triade : contrôle omnipotent de l’objet, triomphe et mépris. C’est ce que l’on peut observer chez des gens “anormalement joyeux” qui luttent, en fait, contre une fragilité dépressive.

Une Réponse to “Annexe 2: Mélanie Klein pour les débutants…”

  1. Christine Says:

    Merci pour votre présence passionnée lors des cours, vous aimez votre métier et les individus je suis contente pour tous es enfants qui se trouvent être en soins avec vous.
    Vous faites très bien passer l’essentiel de ce qu’ont pu dire les théoriciens et j’ai particulièrement été touchée par M. Kleine.

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